L’impact des préjugés sur notre perception des autres et de nous-mêmes
Les individus ont souvent tendance à surestimer l’ampleur à laquelle leurs propres convictions et opinions sont partagées par autrui. De plus, ils utilisent des critères différents pour évaluer le comportement des autres en fonction de leur appartenance à un même groupe ou à un groupe différent.
Aileen Oeberst et Roland Imhoff, deux universitaires respectivement affiliés aux universités de Hagen et Johannes-Gutenberg à Mayence (Allemagne), ont souligné que de nombreux biais proviennent de la combinaison entre une conviction fondamentale préexistante et la tendance à traiter l’information de manière cohérente avec cette conviction. Ils ont ainsi identifié de nombreux biais qui peuvent être considérés comme des variantes du « biais de confirmation », qui consiste à traiter l’information de manière à éviter une dissonance cognitive avec nos croyances préalables.
Selon eux, ce qui distingue les différents biais serait principalement la croyance spécifique qui guide le traitement de l’information. Dans d’autres cas, c’est le résultat spécifique du traitement de l’information à partir d’une même croyance qui varie.
Oeberst et Imhoff ont présenté six croyances et les biais cognitifs qui en résultent :
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Je suis une référence raisonnable
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Effet de projecteur : tendance à surestimer la mesure dans laquelle un aspect de soi-même est remarqué par les autres.
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Illusion de transparence : tendance à surestimer la mesure dans laquelle nos propres états internes sont perceptibles pour les autres.
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Illusion de transparence de l’intention : tendance à surestimer la mesure dans laquelle l’intention derrière une déclaration ambigüe est claire pour les autres.
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Faux consensus : tendance à surestimer la mesure dans laquelle nos opinions et croyances sont partagées par les autres.
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Projection sociale : tendance à juger les autres comme étant semblables à soi.
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J’interprète correctement le monde
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Angle mort des biais : conviction que ce sont surtout les autres qui sont sujets à un traitement biaisé de l’information.
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Biais médiatique hostile : perception par les partisans que les reportages des médias sont biaisés en faveur de l’opposition.
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Je suis compétent(e)
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Effet « mieux que la moyenne » : tendance à surestimer ses propres performances par rapport à celles des autres.
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Biais favorable envers soi : tendance à attribuer ses échecs à des facteurs externes et ses succès à des facteurs internes.
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Mon groupe est une référence raisonnable
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Biais ethnocentrique : tendance à privilégier son propre groupe.
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Projection de groupe : perception de son propre groupe comme étant plus représentatif d’une identité collective supérieure.
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Mon groupe (ou ses membres) est bon
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Biais interne au groupe/biais partisan : perception de son propre groupe de manière plus favorable que les autres groupes.
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Erreur ultime d’attribution : attribution des comportements négatifs des membres du groupe interne à des facteurs externes et des comportements positifs à des facteurs internes.
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Biais linguistique intergroupe : utilisation de mots plus abstraits pour décrire le comportement positif des membres du groupe interne et l’inverse pour les membres du groupe externe.
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Effet de sensibilité intergroupe : évaluation des critiques de manière moins défensive lorsqu’elles sont formulées par un membre de son propre groupe.
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Les caractéristiques individuelles (plutôt que le contexte) déterminent les résultats
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Erreur d’attribution fondamentale ou biais de correspondance : préférence pour l’attribution dispositionnelle (plutôt que situationnelle) envers autrui.
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Biais de résultat : évaluation de la qualité d’une décision basée sur le résultat.
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Les chercheurs ont conclu en proposant un modèle qui permettrait d’expliquer plusieurs biais différents. Ils suggèrent une approche plus parcimonieuse pour expliquer ces biais par rapport aux explications théoriques actuelles.
Dans le champ de la psychologie cognitive clinique, l’impact des croyances sur l’interprétation biaisée de la réalité est notamment étudié dans le cadre des modèles des schémas cognitifs et des schémas précoces inadaptés d’Aron T. Beck et de Jeffrey E. Young. Les schémas sont des croyances élaborées à partir des expériences de vie et ils sous-tendent des biais appelés distorsions cognitives. Ces dernières sont à l’origine de la dépression et des troubles de la personnalité, entre autres. Ces modèles occupent une place importante dans la psychothérapie cognitivo-comportementale classique.
Source : Thierry Gaillard avec sources : Perspectives on Psychological Science. N’hésitez pas à suivre Thierry Gaillard sur nos réseaux sociaux
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