Statistiques sur les troubles bipolaires
Selon les données épidémiologiques, 1% de la population serait touchée par les troubles bipolaires, comme le souligne l’Inserm. Ces troubles se manifestent par des phases maniaques, caractérisées par de l’hyperactivité, de l’euphorie et divers troubles du comportement qui peuvent considérablement affecter la vie sociale, professionnelle et émotionnelle des personnes atteintes. Ces phases sont suivies de périodes de dépression.
Ces troubles bipolaires pourraient réduire l’espérance de vie de 10 ans, en partie à cause de diverses comorbidités somatiques, comme les maladies cardiovasculaires.
Résultats de l’étude FACE-BD
Tous les participants à l’étude FACE-BD (FondaMental Advanced Center of Expertise for Bipolar Disorder) ont subi une évaluation initiale et 61% d’entre eux ont bénéficié d’au moins un suivi à un, deux ou trois ans. Environ 1200 participants ont fourni au moins un échantillon biologique (sérum, plasma, ADN).
Dans un article publié en juin 2022 dans le Journal of Affective Disorders, les équipes de recherche, dirigées par Marion Leboyer, lauréate du Grand Prix Inserm 2021 pour ses travaux sur les troubles bipolaires, ont dressé un bilan de cette décennie de suivi. Les connaissances sur la maladie ont considérablement progressé.
La piste immunoinflammatoire
Grâce à des analyses génétiques et immunologiques, des avancées significatives ont été réalisées sur la corrélation entre les facteurs génétiques et environnementaux. Marion Leboyer explique que les patients bipolaires portent des variants génétiques particuliers du système Human Leukocyte Antigen (HLA) ou des gènes des récepteurs Tolllike (TLR) qui les rendent plus sensibles à des facteurs de risques environnementaux, tels que les infections, les traumatismes graves, la pollution, et des styles de vie malsains. L’exposition à ces facteurs déclenche une réponse inflammatoire qui persiste dans le temps et peut activer des voies biologiques nuisibles, comme celles des rétrovirus endogènes, la production d’auto-anticorps, ou encore les modifications des neurotransmetteurs.
La découverte de ces anomalies immuno-inflammatoires ouvre la voie à l’identification de biomarqueurs de formes cliniques homogènes de troubles bipolaires, mais aussi à la découverte de traitements spécifiques.
Différentes trajectoires de progression de la maladie
Selon Ophélia Godin, coauteure de l’étude, on peut distinguer trois types de trajectoire pour les patients atteints de troubles bipolaires : ceux qui s’améliorent, ceux qui ne s’améliorent pas, et ceux dont l’état se dégrade au fil du temps. Cette évolution est mesurée en analysant le fonctionnement du patient, c’est-à-dire sa capacité à mener une vie quotidienne normale, mais aussi son fonctionnement cognitif.
Paul Roux, un autre chercheur, note que les déficits cognitifs, tels que les troubles de la mémoire verbale, sont souvent accompagnés de difficultés fonctionnelles diverses qui entravent la réalisation d’activités quotidiennes simples et le maintien de relations sociales satisfaisantes.
Selon Ophélia Godin, les patients qui suivent une mauvaise trajectoire de fonctionnement ont plus de syndromes dépressifs, de troubles du sommeil, un poids plus important et ont plus de mal à suivre leur traitement. Il est donc important d’agir sur ces facteurs en priorité.
Le lien avec le syndrome métabolique
Le surpoids est un problème courant chez les patients atteints de troubles bipolaires, près de la moitié d’entre eux en souffrent. Ce phénomène est lié à la corrélation entre les troubles bipolaires et le syndrome métabolique, un trouble qui associe plusieurs dérèglements comme l’hypertension, le diabète ou le cholestérol.
Ophélia Godin rapporte que la fréquence de ce syndrome est deux fois plus élevée chez les personnes atteintes de troubles bipolaires par rapport à la population générale, avec une prévalence entre 20% et 24%. Les personnes souffrant de syndrome métabolique ont un risque accru de développer un diabète ou une maladie cardiovasculaire. Ces maladies cardiovasculaires représentent précisément la première cause de mortalité des patients bipolaires. Il est donc crucial de les dépister et de les prendre en charge afin d’améliorer le pronostic.
Traitement des troubles bipolaires
Le lithium, le régulateur de l’humeur le plus couramment utilisé et le mieux toléré, peut nécessiter une prise quotidienne. Certains psychotropes favorisent la prise de poids, ce qui peut mettre en danger l’observance du traitement, c’est-à-dire la capacité du patient à suivre les prescriptions du médecin. Celle-ci a une forte influence sur l’évolution de la maladie.
Selon Raoul Belzeaux, coauteur de l’étude, l’observance du traitement varie grandement d’un patient à l’autre. Il existe des facteurs qui permettent d’améliorer le suivi du traitement, comme l’intensité des symptômes dépressifs. Dans ce cas, le patient peut manquer de motivation pour respecter le traitement. Parfois, le problème est d’ordre cognitif : les difficultés de concentration entraînent des oublis. L’éducation thérapeutique, qui consiste à mieux informer le patient sur l’importance du traitement, est l’une des solutions pour améliorer l’observance. Raoul Belzeaux affirme que « un tiers des patients répondent très bien au traitement et n’ont ni symptômes résiduels ni rechutes, ce qui est très encourageant ».
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